LES LAURÉATS

PRIX PATRICK-COPPENS-ENTREVOUS
En 2019, c’est avec humour et générosité que Patrick Coppens a fait une donation à la Société littéraire de Laval – qu’il a cofondée en 1985 – afin de financer, pendant dix ans, un prix littéraire annuel récompensant l’auteur ou l’autrice de son texte préféré paru dans la revue d’arts littéraires Entrevous. Se déclarant seul membre du jury ou, selon les années, avec Carle, son fils poète, il s’engage à relire à l’aveugle les trois numéros de l’année, pour arrêter son choix sur un ou plusieurs textes, en s’accordant la liberté d’octroyer des mentions et autres distinctions spéciales.

PRIX ANDRÉ-JACOB-ENTREVOUS
EN 2021, l’artiste et écrivain André Jacob a souhaité récompenser quant à lui un auteur ou une autrice dont une création littéraire mariée à de l’art visuel a paru dans Entrevous. Il a accepté la suggestion de la directrice artistique, à savoir faire un choix annuel dans la banque de toutes les créations «mots sur image» inter ou multidisciplinaires parues depuis le premier numéro en juin 2016.


PRIX PATRICK-COPPENS-ENTREVOUS

LAURÉAT.E.S 2024

En 2024, trois prix ont été remis, plus une mention spéciale et quelques autres distinctions.

Le premier prix (certificat honorifique et 250$) a été remis à Orian Dorais pour Choses cassées, une suite poétique parue dans la section Marché des mots du numéro 24, aux pages 51 à 53.
« Une élégie amoureuse articulée sur un axe comparatif amour/guerre. Dans un texte de bonne longueur et de belle venue, l’auteur concilie avec aisance les exigences du récit avec celles du poème. De cet équilibre naturel nait un chant contrasté, dans lequel l’espoir a bien du mal à s’intercaler entre les phases de douleur, de colère et de détresse. Ah ! (sur un air connu) qu’elles sont poignantes ces amours mortes qui n’en finissent pas de mourir…»

Le second prix (certificat honorifique et 150$) a été remis à Lise Chevrier, pour Migrants, un poème paru dans la section Marché des mots du numéro 24, à la page 47.
« Un poème d’une sobriété vibrante, dans laquelle les deux aspects de l’exil sont mis en relief : la souffrance et le fragile espoir. Tout est dit sans recours aux figures de style, forcément codées.»

Le troisième prix (certificat honorifique et 100$) a été remis à Diane Landry, pour D’ailleurs, un poème paru dans le numéro 25, à la page 43 ; associé à une œuvre textile de la plasticienne française Vio, il a concurremment paru dans le livre d’artistes L’Entre-Deux des Éditions Créations Bell’Arte, en partenariat avec la Société littéraire de Laval.
« Un poème subtil dans lequel l’énigme se joue de la solution comme l’enfance de l’idée que les adultes s’en font. Ce quelque chose de grave et d’aérien spécifique au jeune âge émane du texte de l’auteure.»

Une mention spéciale a tété accordée à José Acquelin, l’invité de la Société littéraire pendant le Mois national de la poésie 2024, pour son poème inédit Tranquilou paru dans le numéro 26, à la page 11. Les premiers vers préfigurent déjà la simplicité du mystère :
« quand la terre l’accorde / il va tranquilou sur un île…»

D’autres textes se sont distingués : Le chant de la francophonie (no 26, p. 84) de Jean-Luc Proulx ; Ukraine (no 26, p. 22-23), poèmes japonisants de Maxianne Berger, Marie Beaulieu, André Jacob, Monique Pagé, Luce Pelletier et Louise Vachon ; Cela nous suffit (no 24, p. 34) et Vue sur mer (no 25, p. 24) de France Bonneau ; Enfance (no 25, p. 13) de Michel Frankland.

Le prix (certificat honorifique et 200$) a été remis le 20 janvier 2024 à Leslie Piché pour ses proses poétiques déambulatoires au Jardin des mémoires, parues dans la section LaboClic / projet «Mo[t]saïques en nuances de vert» de la revue ENTREVOUS 23 (février 2024), aux pages 18, 19, 20, 24, 25 et 34.
Commentaire de Patrick Coppens : «Des récits généreux et puissants qui pointent vers l’horizon. Le thème annoncé s’élargit au rythme des saisons. Partie d’un contexte familial, la poète débouche sur un constat générationnel : nous sommes des enfants mous. / Le dynamisme de l’œuvre se nourrit de pulsions thématiques successives, autant de vagues qui donnent de l’ampleur. / L’écriture est discrètement somptueuse. Cet oxymore témoigne d’une inquiétude et d’un amour de la nature dans son puissant recommencement, célébration immuable de la vie. / Parfois serein, aérien, parfois méditatif ou accusateur, le récit est riche de son poids d’observations sur le terrain, dans les allées du Jardin des mémoires, mais aussi dans les esprits et les cœurs.»

La première mention (certificat honorifique et 100$) a été remise à Leslie Piché pour Tomber debout, une suite poétique parue dans la section La littérature est partout du numéro 23, aux pages 81 à 87 ; créée à la Maison Félix-Leclerc de Vaudreuil, la lecture a été captée en vidéo : https://entrevous.ca/supplement-hypermedia-23-3/.
Commentaire de Patrick Coppens : «Un père fourbu en cheval de parade. Une poésie touchante, ardente par urgence et nuancée par affection, qui a la franchise de son constat : il se fait tard. Et chacun vieillit à son rythme. / L’écriture sobre contrôle avec aisance et naturel les flottements du récit qui sont volontaires, elle sert à merveille le propos, sans oublier qu’il s’agit de poésie. / Le désir de comprendre, d’être présente, attentive à l’autre (jamais nommé) s’équilibre avec une déception diffuse, l’usure du temps, l’ecchymose des mémoires. / Aurait-il seulement fallu dire ceci, faire cela? pour limiter les méfaits du mutisme (plus rien ne se dit ou peu) et que l’espoir advienne, ce temps où parfois s’ouvre encore l’horizon clair du lendemain

Une deuxième mention ex aequo (certificat honorifique et 50 $ ch.) a été remise à :
André-Guy Robert, pour son récit autobiograhique Décapé, paru dans la section Marché des mots du numéro 22, aux pages 36 à 39.
Commentaire de Patrick Coppens : «Le narrateur n’est pas un touriste soleil-plage, mais un voyageur, au Maroc, venu comprendre et aimer. Entre le hammam et la famille de son guide berbère, où il est reçu avec les honneurs, il fait des découvertes. Un récit bien mené et calibré, à l’écriture d’un agréable classicisme, avec des aperçus qui réveillent la conscience.»
Louise Vachon, pour ses cinq haïkus parus dans la section LaboClic du numéro 22, à la page 13, et écrits lors d’un tansaku au Parc de la Rivière-des-Mille-Îles.
Commentaire de Patrick Coppens : «La poète a su observer animaux et humains au cours d’un après-midi de promenade attentive au parc, et décrire des instants avec simplicité et fraicheur, réussissant ainsi parfaitement ses haïkus.»

Une mention spéciale ex aequo (certificat honorifique) a été remise à :

Diane Landry, pour ses proses poétiques déambulatoires au Jardin des mémoires, parues dans la section LaboClic / projet «Mo[t]saïques en nuances de vert» du numéro 23, aux pages 12, 13, 22 et 36.
Commentaire de Patrick Coppens : «La narratrice anticipe sa mort et imagine les réactions qu’elle suscite. Elle compte sur l’écriture pour se matérialiser dans l’infini. Puis elle évoque ses liens avec son père décédé. / Un enchainement touchant. Un sens affirmé de l’image. Une écriture qui a de la tenue, du relief et du moelleux

Danielle Shelton, pour Cet automne-là, un récit autobiograhique paru dans le numéro 23, aux pages 28 et 29, dans la section LaboClic / projet «Mo[t]saïques en nuances de vert».
Commentaire de Patrick Coppens : «Un récit à la fois assez bref, affectif, mais précis, concret, physique, enraciné dans le vécu quotidien, avec les détails qui font voir et ressentir l’ampleur du choc : la narratrice apprend la mort accidentelle de l’être aimé, réagit en appelant à son aide les beaux souvenirs de leur dernier voyage

Le prix (certificat honorifique et chèque de 200$) a été remis le 16 octobre 2022 à Karim Akouche pour son poème Le Vagabond de Montréal paru dans ENTREVOUS 20 (octobre 2022), p. 31 à 47.
Commentaire de Patrick Coppens : «Couleur, naturel et vivacité. Un riche et séduisant poème d’observation et de mémoire, d’instinct et de réflexion. L’œuvre d’un vagabond aux multiples racines.»

Une première mention (certificat honorifique et 150 $ en partage) a été remise à Maxianne Berger, Marie Beaulieu, André Jacob, Monique Pagé, Luce Pelletier et Louise Vachon, pour Ukraine, six haïkus et 2 tankas parus dans ENTREVOUS 19 (juin 2022), p. 38 et 39.
Commentaire de Patrick Coppens : «L’écriture n’est pas sacrifiée à l’actualité. Une surprenante ampleur mise en valeur par la brièveté de la forme et l’agencement des strophes

Une deuxième mention ex aequo (certificat honorifique et 25 $ ch.) a été remise à :
– Monique Leclerc, pour sa prose poétique Barroco, créé pour un concert des chambristes de l’OSL, et paru dans ENTREVOUS 18 (février 2022), p. 69 .
Commentaire de Patrick Coppens : «Un texte dans lequel érudition et littérature font bon ménage, au service de la musique
André-Guy Robert, pour son récit déambulatoire Adagio, paru dans ENTREVOUS 19 (février 2022), p. 40 et 41.
Commentaire de Patrick Coppens : «Au rythme des idées et des sensations, une déambulation dans Montréal, avec en surimpression la dévastation de l’Ukraine

Le prix (certificat honorifique et chèque de 200$) a été remis à Marie-Andrée Nantel pour son poème Immigrant paru dans le numéro 17.
«En idéalisant son pays d’accueil, l’immigrant du poème manifeste sa reconnaissance, sans cacher que pacifier ses origines comporte certaines difficultés et souffrances. Un poème sensible et clair, servi par une écriture classiquement maîtrisée. L’expression convaincante d’une générosité à comprendre et décrire une situation qui n’a pourtant pas été vécue personnellement par la poète.»

Une première mention æxequo (certificat honorifique et chèque de 75 $) a été remise Suzanne St-Hilaire pour sa suite de micronouvelles Tante Évelyne / Oncle Paul parues dans le numéro 16.
« L’art du bref. Personnages bien campés. Deux micronouvelles complices, à la fois drôles et discrètement touchantes.
On jurerait que tante Évelyne et oncle Paul se sont échappés du Jeu des sept familles de notre enfance !
»

Une première mention æxequo (certificat honorifique et chèque de 75 $) a été remise André Jacob pour son poème Horizon hiémal paru dans le numéro 15.
«Avec un sens de la retenue qui donne au poème son attentive discrétion, l’auteur évoque sa présence au monde, sa relation à l’hiver et sa quête des valeurs humaines, sous le regard d’une présence invisible

Une deuxième mention (certificat honorifique et chèque de 50 $) a été remise Monique Leclerc pour sa prose poétique La cardabelle parue dans le numéro 15.
«L’art du bref. Personnages bien campés. Deux micronouvelles complices, à la fois drôles et discrètement touchantes.
On jurerait que Tante Évelyne et Oncle Paul se sont échappés du Jeu des sept familles de notre enfance!
»

Une mention spéciale (certificat honorifique ) a été remise à Danielle Shelton pour Vivre le Québec tissé serré, son discours patriotique de la Fête nationale du Québec à Laval 2021, et sa prose poétique Vivre avec la peur, deux créations littéraires parues dans le numéro 17.
«Vivre le Québec tissé serré est un poème programme et manifeste qui, loin de toute propagande et polémique, aborde le thème de l’immigration harmonieuse et de ses conditions principales : la générosité et la confiance réciproques.
La paix que l’auteure célèbre dans sa prose poétique
Aller avec la peur n’est pas celle – imposée par l’oppression – des empires dominateurs, mais celle du cœur et de l’esprit. Un texte qui invite le lecteur sur le chemin qui va de la fragilité à la détermination.»

Le prix (certificat honorifique et chèque de 200$) a été remis à Suzanne St-Hilaire, pour son texte Par le trou de la serrure de mon enfance, une prose poétique énumérative parue dans le numéro 13.
«Une tradition poétique vivifiée et un thème éternel, celui de l’enfance, ont inspiré à Suzanne St-Hilaire une poésie qui par son naturel, sa limpidité, sa fraicheur, font du lecteur un contemporain comblé, un heureux complice. Une remontée du temps sous forme de résurrection énumérative. Dans le manège enchanté de la mémoire, chacun peut s’attendrir, s’étourdir en toute jubilation et naïveté retrouvée.» Patrick Coppens

Une première mention (certificat honorifique et chèque de 125$) a été remise à Monique Leclerc pour deux poèmes : Singulier patelin et Pèlerinage, parus dans le numéro 13.
«L’art patient d’habiter le pays, au rythme des saisons, des humeurs, au pas du temps qu’on prend à se laisser surprendre et apprivoiser. Monique Leclerc montre – avec un don vif pour l’image et les rapprochements qui séduisent – que voir, c’est non seulement attendre ou participer, mais d’abord nommer avec une précision qui informe et nourrit le tendre émerveillement que la nature, ses visages, ses secrets, réserve à ses amant(e)s.» Patrick Coppens

Une deuxième mention (certificat honorifique e et chèque de 75$), a été remise à Domlebo, pour son poème Pure et dure, paru dans le numéro 13.
«Sans recourir à l’anecdote, au ton journalistique du reportage, domlebo s’est glissé en douceur, au cœur de son sujet. Il a montré en quoi la vie quotidienne est à la fois contrainte, bouleversée et approfondie, anoblie, magnifiée, par la menace persistante du virus. La modernité apaisée de son écriture sert efficacement son propos.» Patrick Coppens

Le prix (certificat honorifique et chèque de 200$) a été remis à Claudie Bellemare, pour son poème Désir paru dans le numéro 10.
«Identité fiévreuse, amours tumultueuses, passions disloquées. Dans sa poésie puissante et originale, Claudie Bellemare prend des risques et bouscule la syntaxe pour un surcroit d’intensité. Colère, confidence et mystère se relaient pour échanger des vérités parfois amères, souvent toniques, et la plainte se fait indéniable chant. Un premier prix plus que mérité.» Patrick Coppens

Une première mention (certificat honorifique et chèque de 125$) a été remise à Monique Pagé, pour son poème Désarmés paru dans le numéro 11.
«Dans sa poésie sur le thème du temps qui érode, à la fois épreuve et ascèse, Monique Pagé a su conjuguer observation et réflexion, détachement et lucidité, gravité lumineuse et sagesse.» Patrick Coppens

Une seconde mention (certificat honorifique et chèque de 75$), a été remise à Diane Landry, pour son poème Vent du Nord paru dans le numéro 10.
«Le texte de Diane Landry est une poésie simple et touchante, avec un brin d’humour, en prise directe sur le quotidien. C’est la Nature en ville, son importance affective, sa fragilité. Vent du Nord nous rappelle aussi, sans didactisme, l’urgence de mieux contrôler les changements climatiques.» Patrick Coppens


PRIX ANDRÉ-JACOB-ENTREVOUS

LAURÉATE 2024

Le prix (certificat honorifique et 200$ ) a été remis à Diane Landry pour ses six Haïshas d’hiver, dont les photographies ont été prises au Jardin des mémoires de Memoria, à Laval, lors de la déambulation d’hiver du projet Mo[t]saïques en nuances de vert.
« Comment faire parler le vide ou la blancheur? La réponse à cette question, Diane Landry la cherche à travers ses haïshas d’hiver. Chaque image peut paraitre insignifiante au premier regard, mais l’observation les fait parler, un peu à la manière des bâtons à message (Tshissinuatshitakana) de Joséphine Bacon. Cette dernière explique : Les Innus laissaient ces messages visuels sur leur chemin pour informer les autres nomades de leur situation. Ils plantaient des morceaux de bois d’épinette blanche, plus ou moins courts, l’un à l’oblique de l’autre. Un bâton penché très près du sol contre un bâton vertical signifiait la famine, et son orientation désignait, comme une boussole, le territoire où ils se rendaient. Les Tshissinuatshitakana offraient donc des occasions d’entraide et de partage. À travers eux, la parole était toujours en voyage.
Ainsi, les messages de Diane Landry indiquent différentes directions à prendre, sans la famine ; au contraire, ses mots indiquent une pléthore de sentiments à travers différentes façons de délier le réel de ses secrets pour dépasser nos impuissances, ligotées serré…
Dans l’anfractuosité des traces multiformes créées sur la neige, on peut prendre une direction découverte grâce à une observation minutieuse et par une méditation sur la portée du vide. Seul, paralysé par la sensation d’être incapable de trouver un chemin signifiant, surtout sur la neige, ne peut avoir du sens que si l’on suit la direction du bâton à message que Diane Landry nous tend ; il nous conduit vers notre intérieur habité par l’amour, même si nos pas s’écrivent en lettres blanches, invisibles.
Traversant les territoires intimes, la parole de Diane Landry voyage.»

Le prix (certificat honorifique et 200$ ) a été remis à Lavana Kray, une photographe et haïkiste roumaine. Ses quatre haïshas primés ont paru sous le titre «Maintenant la Roumanie» dans ENTREVOUS 21 (février 2023) aux pages 34 et 35. Rappelons que la revue est internationale, et que toutes les créations littéraires et visuelles publiées sont autant de candidatures aux prix Entrevous.
Commentaire d’André Jacob : «Dans les quatre scènes extérieures qu’elle a photographiées en tons de gris, Lavana Kray invite à voir au-delà de chaque mouvement dans la nature. D’un seul coup d’œil, l’artiste donne un sens à ce qui échappe aux promeneurs insouciants et peu sensibles à la richesse d’évènements somme toute banals : une brindille qui plie sous le poids de la neige, le reflet d’un échassier qui se nourrit en bord de mer, un oiseau qui se repose sur un garde-fou, le bras d’un nageur qui émerge du ressac d’une vague. Autant d’interrogations sur la puissance évocatrice de ce qui vit à un moment précis. // En référence à l’état des lieux et des saisons évoqués subtilement, le regard de la photographe crée un espace propice aux émotions. Sans artifices, sans bavardages ni explications raisonnées, à elles seules ses images incitent à des méditations sur la vie, invitent à marcher en silence à côté d’elle pour apprendre à observer et à animer notre vie intérieure avec finesse, sérénité et harmonie. // Et il y a plus : en liant très intimement ses images et les mots de sa poésie brève, les interprétations enluminées du présent de chacun peuvent faire ressortir – comme dans un miroir – des expériences et des souvenirs marquants sur «la route de la vie» alors que dans la mémoire, «le sifflement du vent» emporte tout «entre terre et eau». // En un mot, le présent vit intensément à travers le regard profond de l’artiste, à travers une création qui invite au rêve ou au partage de confidences.»

Le prix (certificat honorifique et 200$ ) a été remis à André-Guy Robert pour Cette nuit-là, une photographie et un récit parus dans ENTREVOUS 08 (octobre 2018, p. 20 à 23).
Commentaire général d’André Jacob : «La richesse des sources d’inspiration, la qualité et la variété des textes et des images associées a représenté tout un défi lorsque est venu pour moi le moment de ne choisir qu’une seule création pour mon prix de reconnaissance 2022. Ce que je souhaite à tous les créateurs d’arts littéraires accompagnés et diffusés par la revue Entrevous, c’est qu’ils poursuivent leur démarche avec la même intelligence sur les sentiers qu’ils explorent déjà, et que la Société littéraire continue de leur offrir des occasions de s’aventurer dans de nouveaux
Commentaire d’André Jacob sur le texte gagnant : «Scène de nuit traduite dans une prose envoûtante et simple comme un rêve ou, propose l’auteur, une méditation. / Lentement, avec toute la plénitude de la tendresse et de la séduction cultivées au quotidien, la trame dramatique nous invite à suivre le tricotage d’une page d’amour bien incarnée dans le silence nocturne. / Un certain recueillement s’impose : nous partageons discrètement ce qui s’avère peut-être la dix-millième répétition confiante de gestes apprivoisés jusque dans les moindres détails de la vie intime d’un vieux couple, aujourd’hui confronté à l’inéluctable marche andante du temps. Sous l’auréole d’une ode écrite au passé, un homme et une femme drapés des mystères de leur attachement mutuel savourent un confort paisible. / Et nous, nous restons éveillés, émus, comblés, jusqu’à ce qu’ils se rendorment comme on oublie de continuer sa pensée, ou comme certains meurent.»

Le prix (certificat honorifique et chèque de 100$ ch.) a été remis à Suzanne St-Hilaire et Monique Pagé pour Migration, une œuvre hybride (photographie et haïku) parue dans le numéro 17. Voir la création, p. 48-49.
«L’art permet d’échapper au réel, mais surtout de tenter de nouveaux vols. Dans l’esprit de la pratique du haïku, Suzanne St-Hilaire et Monique Pagé se sont appropriées la plasticité d’un paysage urbain, pour saisir la puissance de la problématique sociale de sans-abris occupant illégalement un espace public à l’approche de l’hiver québécois. Cellules de vie aussi fragiles que signifiantes : le démantelement de leur campement par les autorités municipales les privera bientôt de leur utopie d’autonomie. L’expression symbolique de ce cadre de valeurs est renforcée par les dessins surimposés sur la photographie.
Le dépouillement de la scène frappe le regard. La forme simple du haïku se prête bien aux interprétations multiples suggérées par les éléments de la composition : les tentes-nids, les oiseaux migrateurs, un jeu d’ombre et de lumière dans une absence déstabilisante de repère horizontal.
Comme le souligne Dominique Chipot (1), le haïku, comme la photographie, se révèle par la puissance du moment présent suspendu entre l’avant et l’après suggérés par l’image, les images. Ne pas prioriser la formule. Ne pas privilégier une capture hâtive dans le vif de l’action. Trouver l’équilibre. Aiguiser ses sens à l’affût de faits quotidiens suffisamment suggestifs. Aiguiser ses crayons pour reproduire la fragilité du fait. Et apprendre l’harmonie.
D’entrée de jeu, un haïku nous fait entrer dans l’atmosphère automnal en annonçant tout simplement l’été indien. L’expression éveille les souvenirs de la chaleur et de la luminosité fugaces dans la fraicheur du mois d’octobre. Oui, l’été indien habille la misère, comme un manteau élimé qui ne réchauffe pas parfaitement.
Il ne s’agit pas ici de s’approprier simplement la plasticité d’une photo, mais de la situer dans un espace de liberté. En associant ce que l’on peut imaginer comme des corneilles, toutes noires sur un ciel d’un bleu vibrant, et les tentes attachées au sol sous un soleil douteux, l’image semble parler d’elle-même tant le contraste est frappant entre la vigueur de l’envolement et la précarité de l’hébergement dans un clair-obscur qui maquille mal ses limites. Au-delà de cette première lecture, la liberté apparait comme une aspiration à sortir enfin de l’ombre pour traverser un pont magique et migrer vers un avenir meilleur. Nous voilà dans une dynamique qui rappelle que l’art peut contribuer à bâtir une signification qui transcende la réalité perçue.
De fait, les deux artistes semblent avoir voulu pousser plus loin leur réflexion sur les émotions ressenties à la vue de ce campement en qualifiant la ville de blafarde. Les oiseaux passent au-dessus d’elle comme des messagers d’espoir qui, n’ayant ni limites ni barrières, auraient le pouvoir surnaturel d’emportent les ombres. La scène n’est plus figée. Elle devient un appel à notre engagement dans un mouvement solidaire pour la vie. Ça dit tout sur le type de lumière qui traduit la réalité en MAJUSCULES sans oublier le sens des mots.
La forme minimale du haïku permet d’ouvrir la porte à tant de mots non écrits et d’émotions ! Dans leur œuvre hybride, les deux artistes ont trouvé un nouveau langage pour dire la vérité de la nature, des lieux et du spirituel dans la scène imagée. Comme l’a écrit l’artiste-peintre Wassily Kandinsky (2) l’ambiance de l’œuvre peut encore renforcer l’ambiance intérieure du spectateur et la sublimer. »

Notes :
1 – Chibot, Dominique. Le haïku en 17 clés. Paris, Pippa éditions, 2021, p. 99.
2 – Kandinsky, Wassily. Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier. Paris, Denoël, 1989, p. 54.